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Salvador Allende (1908-1973)

Augusto Pinochet (1915-2006)

Chapitre 2 : Avancées et reculs de la démocratie

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2. Crises et fin de la démocratie : l’exemple de l’Amérique latine

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L’étude des changements politiques en Amérique latine illustre la fragilité des démocraties. Fondées sur un consensus et l’état de droit, ces régimes devraient favoriser le jeu des alternances et permettre à toute forme de proposition politique d’exercer le pouvoir au terme d’un processus électoral qui désigne un vainqueur cautionné par une majorité. Cependant, et trop souvent, la démocratie est attaquée et renversée par des acteurs qui s’emparent du pouvoir. Si en 1933, Adolf Hitler parvient à se faire élire puis à effacer, après coup, les règles démocratiques de la constitution de Weimar, en Amérique du sud, les renversements de la démocratie procèdent de coups d’État, d’actions violentes qui, par la force, mettent fin au respect des règles et du pluralisme. Le champ des libertés est alors considérablement réduit et nombreux sont ceux qui sont exclus, privés de leurs droits à être représentés et/ou privés de leur vie. Ces transitions brutales sont nombreuses dans les années 1970.

Dans cette partie du chapitre, il s’agit donc de comprendre les mécanismes qui aboutissent à un coup d’État et les formes que ces derniers prennent. On montrera alors la vulnérabilité des démocraties face à des projets anti-démocratiques. 

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Les États d’Amérique latine deviennent indépendants de l’Espagne au début du XIXe siècle grâce à l’action de Liberatores comme Bolivar et de Bolivar et San Martin. Ces jeunes nations s’orientent vers la démocratie. Ainsi, le Brésil devient une république démocratique en 1889, le chili en 1925. Dans les années 1960, en pleine guerre froide, l’Amérique latine est en proie à une grande instabilité politique. Les états sud-américains sont déchirés par deux dynamiques antagonistes dont l’enjeu les dépassent. D’une part, on assiste à une très forte montée des mouvements révolutionnaires communistes. La victoire de la révolution cubaine en 1959 est celle de Fidel Castro et d’Ernesto Guevara. Elle ouvre la voie au foquisme (théorie qui prône la création de foyers révolutionnaires (focos) sur le continent. D’autre part, on assiste à un profond rejet du communisme par de nombreux acteurs. Les Etats-Unis réactivent la doctrine Monroe qui inclut l’Amérique latine dans sa zone d’influence et luttent contre la montée du communisme. Ils s’appuient sur les mouvements conservateurs (grands propriétaires terriens, bourgeoisie, armées) pour mener des contre-révolutions ou financer des coups d’État. Dans cette instabilité politique des années 1960, le destin du Chili, bien que singulier, illustre ces tensions. 

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a. L’échec du projet démocratique chilien : la parenthèse Allende 

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En 1970, Salvador Allende se présente aux élections présidentielles au Chili. Il est à la tête d’une coalition de 5 à 6 partis de gauche qui forme l’Unité populaire (UP) dont le Parti socialiste dans lequel il milite, le Parti communiste, les centristes du parti radical et d’une frange du Mouvement d’Action populaire, un parti chrétien de gauche.  Il instaure un régime socialiste mais dans le cadre institutionnel d’une démocratie libérale.

Il est élu le 4 sept. 1970 mais il ne parvient pas obtenir la majorité absolue dans un scrutin à un tour – Il n’obtient que le tiers des voix et ne compte que 80 000 bulletins d’avance sur son rival conservateur Jorge Alessandri. Il doit donc obtenir l’investiture du Congrès national qui le nomme Président de la République le 24 oct. 1970.

Entré en fonction le 4 nov. 1970, il met en place son programme de « voie chilienne vers le socialisme ». Il rejette la logique des blocs de la Guerre froide et tente de concilier modèle social et libéral. Il rejette également les modèles cubains ou de l’URSS. Cet attachement aux valeurs libérales se traduit par l’absence de toute censure, de toute forme de répression des mouvements de contestation. Il s’appuie sur la légitimité démocratique d’une élection libre et le soutien du peuple chilien.

Les mesures prises par Allende sont socialistes. Le 11 juillet 1971, il nationalise les mines de cuivre, une grande partie du secteur bancaire et les grandes entreprises. Il augmente les salaires de 40 à 60 % et bloque les prix. Dans les campagnes, Allende poursuit la réforme agraire de 1967, portée par la démocratie chrétienne au pouvoir entre 1964 et 1970 et qui démanteler les grandes propriétés terriennes pour distribuer des terres aux paysans sans terre. Allende encourage le regroupement des petites propriétés terriennes dans des coopératives paysannes. 

Son programme social renforce les droits des travailleurs, favorise la construction de logements sociaux pour lutter contre les bidonvilles. Il promeut la santé et l’éducation publiques afin de faire reculer la grande pauvreté.

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Pour réformer le pays, il s’appuie sur le soutient des partis du l’UP, sur les syndicats ouvriers (46 % de la main d’œuvre) et paysans (150 000 syndiqués), les associations de quartiers, de jeunes, de femmes. Ainsi, les représentants de la société civile doivent accompagner les transformations et les changements qui remettent en cause l’hégémonie de « l’oligarchie » (grands propriétaires latifundiaires, industriels, grands entrepreneurs). Il s’appuie sur la base de son électorat : « Fortifier le pouvoir populaire, et le consolider, revient à rendre plus puissants les syndicats, en les rendant conscients qu’ils constituent un des piliers fondamentaux du gouvernement ». Aussi, la Révolution démocratique souhaitée se vit aussi dans la rue qui devient un espace d’action politique qui s’autoorganise en milice populaire, en conseils communaux de paysans. Les manifestations et les occupations de terres agricoles se multiplient en dehors de tout cadre gouvernemental, voire s’y opposent. Ces initiatives populaires émancipatrices s’affranchissent du légalisme constitutionnel prôné par Allende.

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Très vite, le gouvernement d’Allende rencontre des difficultés. Son respect du libéralisme permet à une opposition d’exister et de se structurer. Ainsi les Démocrates-chrétiens se rapprochent de la droite libérale. Ces partis fondent la Confédération démocratique (CODE) à laquelle se rallie le Parti nationaliste. Leur point commun est la haine du communisme. Cette coalition va être la représentante des élites sociales et de la petite et moyenne bourgeoisie, effrayée par les mesures d’Allende. Majoritaire au Congrès, elle bloque toutes les propositions de lois du gouvernement d'Allende. Elle parvient à mettre en accusation ministres et haut fonctionnaires. La république chilienne est également contestée par la droite néo-fasciste « patrie et liberté » qui organise des attentats et des assassinats de syndicalistes. 

Allende doit également faire face à une crise économique. Les Etats-Unis, hostiles à ce pouvoir communistes, organisent l’effondrement des prix du cuivre, première ressource du Chili. Ils bloquent également les prêts financiers de la banque mondiale. Des grèves sectorielles comme celle des camionneurs, des médecins, des avocats et autres professions libérales désorganisent l’économie et provoquent même des troubles insurrectionnels. Elles sont organisées par l'opposition et largement soutenues par la CIA qui s'active à déstabiliser le gouvernement d'Allende. A partir de 1973, l’inflation explose provoquant des « marches des casseroles ». Cependant, cette hausse des prix est aussi alimentée par la spéculation et le marché noir. L'ooposition aura tout essayé pour faire tomber l'Union populaire sauf, en dernier recours, l'usage de la force. En 1973, cette solution est alors envisagée.

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Après une première tentative de coup d’Etat en juin, un second coup d’état militaire, avec le soutien tacite des Etats-Unis, renverse le gouvernement chilien le 11 septembre 1973. La prise du Palais présidentiel de la Moneda, bombardé par l'aviation et cerné par les tanks, dans lequel Allende s’est réfugié et où il se suicide, marque le début de la dictature de Pinochet. 

Les manifestations en faveur d’Allende sont réprimées. Des milliers d’opposants au coup d’état sont arrêtés et disparaissent. Le régime du général Augusto Pinochet fait de la terreur une arme. Les arrestations arbitraires et la torture signent le caractère criminel de ce régime. 

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Présentation du Chili :  le dessous des cartes - ARTE

Une version approfondie de la chute d'Allende

Histoire, mémoire et justice : Pinochet devant les juges

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