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Thème 1 : Comprendre un modèle politique :  la démocratie

Chapitre 1 : La démocratie, un concept et des modalités

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3. La démocratie représentative et Benjamin Constant

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Les révolutions politiques, en Amérique et en France, marquent le XVIIIe siècle et remettent en cause le principe de l’absolutisme. Ces révolutions fondent les démocraties modernes. La transition de sujet à citoyen implique la réappropriation du politique par des acteurs qui disposent désormais de droits clairement définis par des déclarations, celle de l’indépendance des Etats-Unis et la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen. Bien qu’en Angleterre, les libertés individuelles soient garanties par l’Habeas corpus (1679) et le Bill of Rights (1689), sur le vieux continent et Amériques, elles dessinent une nouvelle organisation politique qui repose sur la légitimité du citoyen. Mais quel modèle choisir ? Est-il envisageable d’opter pour une démocratie participative ; comme durant l’Antiquité ou adopter une démocratie représentative où les citoyens délèguent leur souveraineté à des représentants élus. 

Cette question est au cœur des préoccupations de Benjamin Constant (1767-1830). Humaniste, Homme de lettres et théoricien politique influent, il est le premier à opposer ce choix dans un discours fait à Paris en 1819 « La liberté des Anciens, la liberté des Modernes ».

Benjamin Constant fonde son raisonnement sur une comparaison historique qui lui permet de justifier son choix. Il considère que la liberté fonde la démocratie entendue comme un régime qui assure l’égalité des citoyens et la légitimité de la volonté générale. Mais dès lors, plusieurs sens peuvent être donné à liberté. Celle des Anciens, citoyens des cités démocratiques de l’Antiquité et Athènes en particulier, repose sur la participation directe au processus politique. Mais la liberté a une signification collective. On est libre en tant que membre d’une communauté de citoyens gérant elle -même ses propres affaires. L’individu s’efface au profit du collectif. Le corps politique, en fixant une morale peut intervenir dans la vie privée. Ainsi, des citoyens peuvent être frappés d’atimie ou d’ostracisme pour des comportements jugés indignes de la cité. Ainsi, la liberté chez les Anciens est un but en soi. La sphère publique établit les règles du bien vivre, collectivement défini. Et Benjamin Constant d’écrire : 

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 « Le but des Anciens était le partage du pouvoir social entre tous les citoyens d’une même patrie. C’était là ce qu’ils nommaient liberté. Le but des Modernes est la sécurité dans les jouissances privées ; et ils nomment liberté les garanties accordées par les institutions à ces jouissances » (Écrits politiques, p. 603).

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Pour Benjamin Constant, cette conception de la liberté est anachronique. Il pose la liberté comme un droit naturel, individuel. Cette conception implique un nouvel ordre politique, c’est-à-dire un État de droit fondé sur le respect des droits individuels qui priment sur les droits collectifs. La liberté consiste en une série de droits – liberté religieuse, liberté d’association, d’expression, droit à la propriété… qu’il nomme liberté civile. Ainsi la liberté des Anciens « se composait de la participation active et constante au pouvoir collectif. Notre liberté, à nous, doit se composer de la jouissance paisible de l’indépendance privée ». Pour Benjamin Constant, la liberté n'est pas un but en soi mais un moyen en vue d’une fin : la recherche du bonheur dans la sphère privée. Le rôle du politique est donc de protéger cette sphère privée en exerçant des fonctions régaliennes :  assurer la sécurité de la cité et veiller au respect des droits individuels :

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« Il y a une partie de l’existence humaine qui, de nécessité, reste individuelle et indépendante, et qui est de droit hors de toute compétence sociale. […] Si la société franchit cette ligne, elle se rend aussi coupable que le despote ».

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Pour Benjamin Constant, un retour en arrière, vers une participation directe des citoyens, n’est pas possible, le contexte socio historique ne le permettant pas. Il avance plusieurs arguments. La croissance de la population et celle de la taille des citoyens diminue d’autant le poids individuel, la représentativité d’un citoyen par rapport à la masse.

Ensuite, l’enrichissement des cités grecques reposaient sur la guerre qui impose la mobilisation du collectif et le dépassement de soi. Or l’enrichissement des sociétés modernes repose sur le mercantilisme qui privilégie l’individualisme. Enfin, l’abandon de l’esclavage oblige le citoyen à travailler. Il ne peut se consacrer pleinement aux affaires de la cité.

Le repli dans la sphère privée est aussi le résultat du développement des arts et des loisirs.

Pour ces raisons, il choisit le modèle de la démocratie représentative qui réduit le rôle des citoyens à celui d’électeurs. Ils votent pour des représentants en charge des affaires de la cité. Le citoyen se désengage de la sphère publique pour se replier dans la sphère privée. 

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Conscient des limites de sa réflexion et homme politique de son époque, Benjamin Constant reste prisonnier de ses contradictions. Il critique violemment le bonapartisme qu’il associe à la tyrannie et surtout au repli total de l’individu dans la sphère privée, situation préjudiciable à la liberté. A contrario, il critique le régime de Jacobins et celui de la Terreur où l’individu est inféodé au collectif et perd sa liberté individuelle. Il encourage donc un entre qui rend finalement l’idéal de liberté individuel pas si absolu que ça. 

Enfin, il prend conscience du risque politique que représente le repli du citoyen dans la sphère privée qui pourrait conduire à un désengagement, ne indifférence pour la chose publique et, ainsi, fragiliser la démocratie.

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Synthèse rédigée à partir de :

Aurélien Berlan , « Participer ou être représenté : Benjamin Constant « liberté des Anciens, liberté des Modernes » », Encyclopédie d'histoire numérique de l'Europe [en ligne], ISSN 2677-6588, mis en ligne le 11/04/22 , consulté le 06/07/2025.

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